À toi qui as choppé le journal dans la rue, je te conseille de t’épargner le récit des dégueulasseries patriarcales présentes y compris entre anarchistes (récit dont je me serais bien passé.e).
Au fouille-merde (en uniforme ou non) qui tenterait d’utiliser ce post pour nourrir ses sales fichiers ou rumeurs. Je te chie dessus.
Ceci étant dit… Les sites internet sont tenus par des individus de chair et de sang, auréolés d’un anonymat tout relatif qui leur permet de cueillir les durs fruits de leur labeur en échappant (en partie seulement) aux critiques qui pourraient leur être faîtes… Associer un individu à un site qui publie des textes subversifs, ce serait « faire un travail de flic » et exposer possiblement cet individu à la répression. Les choses sont ainsi faites que chacun-e ou presque en vient pourtant « mystérieusement », c’est-à-dire sans recherches particulières, à savoir qui se cache derrière tel ou tel blog/site/outil issu « du mouvement » mais est censé ne rien en faire. Ce qui s’avère parfois extrêmement compliqué tant le décalage entre les belles idées relayées par tel ou tel compagnon (euh…site) et ses comportements quotidiens est criant, provoquant à juste titre des réactions pouvant aller jusqu’à la fureur. Les idées gagneraient souvent (hélas!) à rester complètement désincarnées.
Ce décalage entre les idées et les manières de les faire vivre dans le concret serait déjà problématique si les compagnons teneurs de site se contentaient de publier leurs propres textes, et s’abstenaient de relayer, plus ou moins compulsivement, des textes publiés sur d’autres sites ou sur un blog spécifique. Mais publier un texte « anarchiste », et se nommant tel revient bien souvent à être utilisé contre son gré dans cette course effrénée à « qui publie le plus vite » ou « qui est le plus à jour » (course se jouant bien souvent, il faut le remarquer, entre compagnons). Leur anonymat tout relatif dispensant trop souvent les tenants de sites de se demander d’où ils parlent/relaient ces textes, et leur permet de le faire sans avoir à se situer en tant que gars, ou envisager qu‘ « ils » sont très mal placés pour relayer des textes anarchistes/féministes s’ils ont déjà été confrontés sur leurs comportements sexistes « dans le réel »… « Mais faut leur donner de la visibilité » à ces petits textes écrits par des anarca-féministes, ils sont si « rares » , ils n’en auraient pas sans « notre intervention » s’insurgent ces hérauts autoproclamés (et paternalistes) du mouvement …
Faut dire qu’ils en sont friands, de ces textes! Ça leur refait une vitrine à peu de frais. Ça leur permettra peut-être même d’approcher des compagnonnes dans la vraie vie ? ce serait ballot de ne pas profiter un peu (quand même) de ce petit prestige cybernétique…
En décidant de publier ce journal sur ces thématiques-là sur internet je savais que je m’exposais à le voir repris (entre autres) par le site attaque et non fides. J’ai hésité à mettre dans le petit mot d’introduction au journal que je ne voulais pas qu’il soit posté à ces endroits-là (pour des raisons singulières qui touchent chacune – en autres – à la lutte contre le patriarcat). Quelque chose de soft, que j’ai finalement renoncé à faire parce que je ne voulais pas donner aux contributeurs historiques de ces sites cette importance-là. Si je mettais cette foutue phrase dans mon intro c’est cette dernière qui allait faire débat, polémique, allant sans doute jusqu’à éclipser le contenu du journal. Le comble !
Il se trouve également que les crapules en question sont plus proches de leurs claviers que moi, ayant un goût de la polémique virtuelle que je ne partage pas du tout : je ne peux que me faire ratatiner sur ce terrain-là. Je me suis donc ravisé.e, décidant de ne pas parler de ces sites dans mon intro de journal, et de le publier en tant que tel, pour son contenu propre: avec un peu de bol les sites en question auraient la décence de ne pas le relayer. Encore loupé!
Me voilà dans la situation que je voulais éviter ; l’anonymat « officiel » du journal a permis au contributeur historique d’attaque de le relayer sur son site. Il s’agit dans le meilleur des cas d’un ravalement de façade et de récup’ : il est bien placé pour savoir qu’il aurait sa place dans la catégorie « brèves » en tant que personne ciblée par l’un de ces actes de vengeance. Dans le cas que j’estime très probable où M. Attaque sait d’où le journal est issu, il s’agit d’un énorme foutage de gueule, doublé d’une tentative d’humiliation supplémentaire et particulièrement malvenue. Mettre en lien un texte posant une critique sans concession du patriarcat et de l’état écrite par quelqu’un que l’on a soi-même agressé, humilié, dénigré… afin de se parer d’une image « d’allié » ou plus précisément de personne qui partage une critique en idée et en actes du patriarcat… Gros niveau !
On me dira sans doute qu’une fois que le texte est public, il ne m’appartient plus de décider qui peut le reprendre ou pas… En gros « je n’avais qu’à pas le mettre sur internet ». Je devrais donc leur laisser cet espace-là.
Cela n’est ni une solution, ni un argument entendable
On me dira sans doute que je ne met pas assez d’éléments, ou que j’en mets trop, ou que j’aurais effectivement dû écrire quelque chose au moment de le publier. Que « Ça ne se fait pas » de poster des accusations aussi graves sans donner plus de précision. Me voilà sommée d’inventer une issue « convenable » à une situation qui ne peut pas en avoir. J’estime que n’ayant pas choisi grand-chose dans cette «histoire » ; que l’on parle évidemment de l’agression, de la campagne de calomnies qui a suivi ou de la publication de ce journal sur ce site particulier, il me reste, à minima, la possibilité de décider à quel point je me mets à poil sur la toile. C’est pas mirobolant, autant en profiter. Je me permets (tout de même) d’attirer l’attention de chacun.e sur le fait que le M. Attaque en question, à défaut d’être de bonne foi, sait parfaitement de quoi il retourne.
Je ne vais donc pas m’étendre davantage sur les situations précises, mais suis éventuellement choppable pour en discuter « en vrai » avec des compagnons ou compagnonnes qui en éprouveraient le besoin pour et par elles mêmes et qui n’auraient pas trouvé le chemin pour le faire durant les six/sept années qui viennent de s’écouler (hum).
Toi qui t’apprêtes peut-être à crier au scandale et prendre la défense de ce site (et donc de son contributeur historique), et défendre le fait que c’est normal que ce journal puisse être repris à cet endroit-là comme partout ailleurs je me méfies de toi également. Qui préserves tu ? Quelle-s place-s tentes tu de protéger ? Quels intérêts ? En niant quoi et en piétinant qui ?
« Nous, Anarchistes ? »
Force est de l’admettre, se dire Anarchiste ne dispense nullement de reproduire les rapports de domination qui structurent cette société moisie, que ce soit de manière délibérée ou involontaire. Or, qui prétendrait décider à la place de quelqu’un-e s’il ou elle peut (réellement) se dire anarchiste ? Il y a donc un problème lorsque les termes « anarchiste » ou « compagnon.ne » sont utilisés comme des mots magiques posant comme acquis tout un rapport au monde et aux idées. Romantiser ces termes et concepts revient trop souvent à mettre la focale sur une identité plus que sur la tension (indispensable, permanente) poussant chacun.e à essayer de vivre au plus près de ses aspirations anti-autoritaires, en affrontant au passage ses propres comportements merdiques.
Et certain-es, fort-es de leurs positions valorisé-es, perpétuent avec beaucoup d’assurance cette illusion d’un faux « Nous, Anarchistes », doté de tout un tas de qualités spécifiques fleurant l’ héroïsation. En gommant les doutes et les aspérités des parcours, cette héroïsation entretient certains mécanismes d'(auto)-valorisation (avec son revers de la médaille : l'(auto) dévalorisation) vis-à-vis de supposés manières-d’être-modèles. Cette idéalisation rajoute une couche d’obstacles non négligeable au fait de nommer et d’affronter une multiplicité de comportements problématiques, voire exécrables. En plus de remettre en cause certains (individus ayant eu des) comportements problématiques, nommer ce qui se passe questionne alors cette identité en elle-même, renvoyant chacun-e à ses propres idées, fonctionnements, affinités, zones d’ombres et compromissions.… toucher à ces tabous entraînant trop souvent des louches de répression supplémentaires. Les fossés qui existent entre les manières d’être et de porter les idées (anarchistes) sont pourtant sources de désaccords, quand il ne s’agit pas de conflits irréconciliables. Non tous-tes les anarchistes ne sont pas mes compagnon.nes, et refuser de s’associer avec des compagnons visibilisés comme ayant eu des comportements de merde ou refusant « tout simplement » de prendre en compte une grille de lecture matérialiste (quitte à nuancer/affiner la notion de privilèges) réduit considérablement le champ des associations possibles. Je suis en colère et fatiguée de me trouver englobé.e par d’autres dans un « nous anarchistes » ou une catégorie « les anarchistes » (ayant fait le choix de l’organisation informelle) au même titre que toute une palanquée de connards avec qui je ne voudrais partager ni journées ni nuits. Je n’ai plus la patience de me trouver face à des compagnon.nes qui me soupçonnent de réformisme parce que féministe (ça en dit long sur le niveau de réflexion en ce qui concerne le patriarcat). C’est à peu près aussi insultant de me demander de «répondre de mon positionnement » vis-à-vis des féminismes institutionnels genre « osez le féminisme » que de demander à un compagnon de « répondre de son positionnement » par rapport à la france insoumise. [je passe pour cette fois le niveau des réflexions concernant les mixités choisies, non mixité…] Je ne vais pas arrêter de me dire anarchiste pour autant, mais bien sûr que ça pousse à ça.
Soit dit en passant, l’exclusion, qui n’est qu’une réponse parmi d’autres, questionne vachement moins quand il s’agit d’un-e « compagnon.ne » qui aurait balancé aux flics, ou bavé dans les médias, ou frayé avec des autoritaires… Partager une affinité avec quelqu’un.e qui s’organise avec des appelistes (au hasard) est souvent une source de conflit beaucoup plus vifs que si c’est avec quelqu’un.e qui s’organise avec un compagnon ayant été l’auteur de violences sexistes (violences conjugales, agression, viols, etc). Ça raconte le peu de cas qui est fait de ces situations : c’est fou la diversité d’excuses qui leur sont trouvées, aux auteurs de violences sexistes/sexuelles, et venant de gens qui, souvent, ne prennent même pas la peine de les confronter! Et quand il y a prise en compte, est-ce que les rôles sont distribués d’avance ? Qui s’y colle ? Qui prend soin des personnes ayant subi ces violences, qui prend la peine de capter de quoi elles auraient envie ou besoin ? Qui use son temps, son énergie et son intelligence à se farder des discussions chiantes avec l’auteur des violences, lui mettre le nez dans sa merde, contrer les arguments de mauvaise foi, tenter de capter et de démonter les schémas puants, lui mettre la pression pour qu’il sache que ses actes ne resteront pas sans réponses et qu’il a des trucs à perdre s’il refuse de se mettre en question radicalement ? Qui a toujours « plus important » à faire, qui a le choix de s’impliquer ou de regarder ailleurs, qui se prétend au-dessus de la mêlée ? [Qu’on ne me dise pas que la construction sociale n’a rien à voir là-dedans.] Qui se planque systématiquement derrière le fait qu’il-e n’a pas assez d’éléments ? Qui décide de (ne pas) mettre en jeu ses équilibres affectifs, matériels et affinitaires, lorsque les auteurs de violences refusent de « travailler » sur leurs actes ? Quelle-s position-s de pouvoir ça assoit ?
Mais pourquoi s’impliquer, puisque ça n’est pas forcément valorisant, que ça force à faire d’énormes constats d’impuissance, que les conséquences en sont rarement satisfaisantes ? La tension anarchiste, ce moteur censé pousser les individus à analyser leurs pratiques à l’aune de leurs idées (et vice versa), devrait selon moi impliquer une remise en question permanente, afin de contrecarrer les rapports de domination présents partout, y compris entre compagnon.nes.
Celles et ceux qui s’inquiètent des « divisions » que pourraient provoquer une plus grande prise en compte de ces enjeux pourraient songer un instant à la différence que cela ferait pour des compagnon.nes (présent-es et à venir) qui se coltinent (entre autres priorités) ces questions de violence systémiques au quotidien et dans n’importe quel espace (je ne prétends pas qu’il puisse exister d’espace safe, ou que le concept d’espace safe me fasse envie, mais on est tellement loin du compte, que c’est pas vraiment la question, là…)
Pour un anarchisme sans jeu de rôles ni postures, protéiforme et sans concessions.